Cérémonies du 80ème anniversaire du Débarquement : journée à Plumelec, Saint-Lô et Caen (6 juin 2024)
Le Président Emmanuel Macron s’est rendu en Bretagne et en Normandie ce mercredi 6 juin à l’occasion des 80 ans du Débarquement.
Pour cette journée de commémoration, le chef de l’État a rendu hommage dans la matinée aux maquisards bretons au mémorial des SAS à Plumelec.
La Bretagne a occupé une place centrale dans les opérations militaires de la Seconde Guerre mondiale en évitant que les renforts allemands, présents en nombre, affluent vers la Normandie pour faire échec au Débarquement.
Revoir la cérémonie des 80 ans du Débarquement en Normandie
Discours du Président de la République lors de la cérémonie en hommage à la Résistance bretonne et aux SAS français
"Officiers, élèves officiers, sous-officiers, officiers mariniers, marsouins parachutistes, quartier-maitres et matelots, aviateurs.
Dès la nuit du 5 au 6 juin 1944, avant même les plages normandes, le ciel et les forêts de Bretagne furent le théâtre de combats acharnés.
« La flèche ne passera pas ». Le message émis la veille, signait le départ des groupes de résistants du Morbihan vers Saint-Marcel. Entre Saint-Marcel et Plumelec, une vingtaine de parachutistes français sont largués au coeur du dispositif ennemi pour assister les résistants bretons déterminés et courageux.
En quelques jours, pas moins de 500 hommes du quatrième bataillon d’infanterie de l’Air de la France libre, intégrés au Special Air Service, SAS britannique, sont parachutés.
Ici tomba le premier soldat du débarquement : un soldat français, jeune marin des Côtes d’Armor, le caporal Émile Bouétard avait choisi de rejoindre le général De Gaulle. Arrivé à Londres après bien des périls, il renonça au service à la mer pour rejoindre l’infanterie de l’Air. Il voulait être parmi les premiers à fouler le sol de France quand l’heure de la libération sonnerait. Il tint promesse au prix de sa vie. Émile Bouétard unit symboliquement à Saint-Marcel deux mondes combattants qui n’en font qu’un : les résistants bretons, les Forces françaises de l’intérieur, et la France libre. C’est cette mémoire que nous partageons ici à Plumelec, en ce jour.
Pierre angulaire de la garde atlantique, la Bretagne a connu une occupation d’autant plus dure que son importance stratégique était forte. Sur les côtes comme dans les terres, dans toutes les catégories sociales, le refus de la défaite et de l’humiliation conduisit de nombreux Bretons à s’engager contre l’occupant. Certains, dès 1940, prirent la mer pour rejoindre les Forces françaises libres ; d’autres restèrent en France pour exfiltrer des aviateurs alliés, espionner, saboter les installations allemandes ; certains enfin, eurent le courage d’offrir un refuge aux pourchassés, à l’image de la compagnie de gendarmerie du Morbihan du commandant Guillaudot.
La répression fut féroce : 380 résistants furent fusillés en Bretagne occupée, plus de 3 500 furent déportés, dont la moitié n’est jamais revenue. Ces hommes et ces femmes servirent dans le régiment sans drapeau dont parle Pierre Brossolette, celui dont les sacrifices et les batailles ne s’inscrivent point en lettres d’or dans le frémissement de la soie mais seulement dans la mémoire fraternelle et déchirée de ceux qui survivent.
La bravoure et la détermination de ces combattants réunis ont joué un rôle majeur dans la libération de notre pays. Leurs actions héroïques laissent une empreinte indélébile dans notre histoire.
Comment oublier la lutte épique de ceux du camp de la Nouette, à proximité de Saint-Marcel, qui repoussèrent dans des conditions terribles deux assauts allemands avant de se disperser pour poursuivre la lutte, comment oublier qu’ils empêchèrent ainsi des milliers de soldats allemands de rejoindre le front normand.
Les parachutistes français, quant à eux, s’étaient déjà illustrés sur de nombreux champs de bataille, en Libye, en Crête, en Tunisie. Dans le fracas des combats, leur uniforme représentait la vitalité de l’alliance franco-britannique, leur visage incarnait l’universalité de l’appel du Général De Gaulle. Polynésiens, Néo-Calédoniens, Pieds-Noirs d’Afrique du Nord, volontaires de la première heure et évadés de la France occupée, ils composaient ce bataillon du ciel, unité non conformiste commandée par Pierre-Louis Bourgoin, le manchot.
Les compagnons du caporal Bouétard étaient une avant-garde. Les jours suivants, 160 parachutistes du quatrième SAS sautèrent sur Saint-Marcel. Parmi eux, le lieutenant Pierre Marienne, qui repose là, et fut fusillé le 12 juillet 1944 avec 6 parachutistes, 8 FFI et 3 cultivateurs. Parmi eux, Meyer Sassoon, médecin britannique, rejoignant les FFL, mort pour la France en janvier 1945.
Parmi eux, un jeune homme de 19 ans du nom d’Achille Muller. Il se tient là, à nos côtés, portant la mémoire de ses frères d’armes, les fantômes de sa jeunesse.
Alors ici, à Sérent, à Plumelec, à Saint-Marcel, la rencontre entre les parachutistes de la France libre et les FFI fit advenir au coeur de la Bretagne, une petite France, îlot de liberté dressée contre l’infamie et la barbarie. Ici, les FFI virent en regardant les SAS qu’ils avaient une armée dont la volonté de vaincre était plus vivace que jamais. Ici, les SAS virent en regardant les FFI qu’ils appartenaient à une nation combattante qui ne s’était pas délitée sous le poison de la collaboration. Une nation en armes, tendue vers la victoire.
Aujourd’hui, ce legs inestimable des SAS est entretenu au sein des forces spéciales. 1er régiment de parachutistes d’infanterie de marine : les SAS de la France libre, issus des groupements d’infanterie de l’Air sont les pères que vous vous êtes choisis et que nous vous reconnaissons comme un héritage moral, qui prend ici aujourd’hui toute sa force et sa grandeur. Les commandos parachutistes de l’Air ici présents, leurs continuateurs au sein de l’Armée de l’Air et de l’Espace, sont vos frères. C’est fièrement ensemble que vous pouvez relever ce nom de tradition. Unité d’élite avec les commandos Marine, les nageurs, les Dragons présents là où l’intérêt supérieur de la nation l’exige, vous savez que qui ose gagne hors des sentiers battus et des schémas préconçus. Unité de l’impossible, comme jadis les SAS océanien, vous traversez les cieux, les océans, les mers, symbole de la vitalité de notre esprit de défense alors que les périls montent. Comme les maquisards et les SAS de Saint-Marcel, vous rappelez que nous sommes prêts à consentir aux mêmes sacrifices pour défendre ce qui nous est le plus chère : notre terre de France et nos valeurs républicaines.
Ici, cette mémoire glorieuse ne vit pas seulement dans les livres, les commémorations. Elle est incarnée, partagée, transmise, par l’action du Musée de la Résistance en Bretagne, par l’engagement des professeurs des classes de défense ici présentes, par toutes les initiatives prises ou encouragées à Plumelec, à Saint Marcel, à Séran, partout sur le territoire.
Car ces lieux chargés d’histoire nous obligent ; le courage, les sacrifices et les succès des maquisards et des SAS français nourrissent notre force morale et leurs prouesses doivent rester vivantes dans nos coeurs comme dans nos esprits.
Je sais notre pays fort d’une jeunesse audacieuse, vaillante, prête au même esprit de sacrifice que ses aînés.
Officiers, élèves officiers, sous-officiers, officiers mariniers, marsouins parachutistes, quartier-maitres, matelots, aviateurs, et vous, élus de la République, Françaises, Français, nous tous, soyons à la hauteur de notre héritage de bravoure. C’est le legs de la résistance bretonne et française et de nos libérateurs.
Vive la Bretagne, vive la République, vive la France !"